Mampikony/région sofia: près de 3000 personnes en fuite se cachent dans la forêt, 39 personnes en mandat de dépôt a cause d’un litige foncier – Newsletter n°171

Résumé : Les habitants de 10 Fokontany des Districts de Mampikony et de Port- Bergé défendent leurs droits fonciers face à la Société COTONA REAL ESTATE (Groupe SOCOTA), qui dit avoir obtenu des titres fonciers sur des terrains titrés au nom d’un colon, et expulse les habitants qui ont cultivé ces terrains depuis la période coloniale. Les services fonciers déconcentrés refusent de transmettre à la Justice les dossiers relatifs à l’acquisition des titres par l’entreprise. Monsieur Le Président de la République de Madagascar avait promis aux communautés locales qu’il leur attribuerait ces terrains dès son élection

Depuis le 18 janvier 2022, la plupart des habitants de 10 Fokontany des Districts de Mampikony et Port-Bergé, qui ont cultivé les parcelles dénommées “Lot de colonisation Port Bergé, lot 41” se cachent dans la forêt: il s’agit des fokontany d’Ampampamena (Commune Mampikony 2, DistrictMampikony), Tsimijaly (Commune Ambohitoaka – District Mampikony), Ampandroangisa (CommuneAmbohitoaka – DistrictMampikony), Tsararivotra (CommuneAmbohitoaka – DistrictMampikony), Andranomadio (CommuneAnkiririky – DistrictMampikony), Sarodrano (CommuneAnkiririky – DistrictMampikony), Antsiraka (CommuneAmpasimatera – DistrictMampikony), Antsaronala (CommuneAmparihibe – District Port-Bergé), Antanakova (Commune Port-Bergé 2, District Port-Bergé), Ankijanimanga (CommuneAmbohitoaka – DistrictMampikony).

Violation des droits humains – Au cours de cette fuite provoquée par des poursuites par des éléments de la gendarmerie, une femme a donné naissance prématurément à deux jumeaux à 7 mois de grossesse. 39 personnes sont actuellement en détention préventive, plusieurs enfants ne peuvent pas poursuivre leur scolarité car ils ont suivi leurs parents en fuite dans la forêt. Pendant les enquêtes, certaines personnes subissent des coups et des violences pour les pousser à dénoncer les autres. Avant cette fuite, les cultures réalisées par les fokonolona ont été saccagées et de nombreux tracteurs, parmi les 7 qui ont été utilisés pour détruire les cultures des Fokonolona, ont été incendiés.  La manière dont la société COTONA Real Estate a acquis ces terrains titrés au nom d’un colon et cultivés par les communautés locales (Fokonolona) depuis la période coloniale n’est pas claire du tout – L’origine du problème réside dans le litige foncier opposant les communautés des 10 Fokontany susmentionnés, d’une part, à la Société COTONA REAL ESTATE, qui fait partie du groupe SOCOTA, d’autre part. Le terrain objet du litige est d’une superficie de 2 787 Ha; il a été initialement titré au nom du colon dénommé WICKERT Michel pendant la période coloniale. Il est important de noter que les 1 communautés locales et leurs descendants ont mis en valeur ce terrain en permanence, lorsque le colon était encore présent, après son départ, et jusqu’à l’année dernière en 2021.   Le litige foncier opposant le Fokonolona à la société COTONA Real Estate a été porté au niveau des différentes instances du Tribunal. L’objet du conflit peut être résumé par la contestation par la population du bien-fondé de la manière dont les terrains ont été immatriculés au nom de COTONA Real Estate.

Le contenu des “certificats de situation juridique” relatifs aux titres au nom de cette société COTONA Real Estate, montre que les terrains lui appartiennent et que leurs noms et numéros ont été changés en 990-DT, 13-DT et 12-DT. Il y est également mentionné que la dite société a acquis ces terrains d’une superficie de 297ha 62a 50ca (TN 990-DT), 290ha 47a 50ca (TN 13-DT) et 219ha 45a 00ca (TN12-DT), qui ont été extraits du terrain “Lot de colonisation Port Bergé, lot 41” selon l’acte N°6096 du 31/07/2007.  Les communautés locales ont déposé une plainte auprès du Tribunal de première instance de Mampikony pour demander l’annulation du titre 990-DT, laquelle a abouti à un jugement avant dire droit le 22/05/2018 (N°64 du 22/05/2018, dossier N°21-RG/18), questionnant les services fonciers et leur ordonnant de transmettre le “fond de dossier de mutation initiale et successive de la propriété LOT DE COLONISATION TF 21 et 22-BV”. Mais, jusqu’à présent, soit 4 ans après la décision de justice, les services fonciers de Mampikony n’ont pas communiqué ces dossiers.  Le Tribunal a toujours autorisé les Fokonolona à utiliser les terres– En plus de ce volet de l’affaire, les communautés locales ont également déposé une demande auprès de toutes les instances du Tribunal à poursuivre la culture des terrains qu’elles avaient déjà mis en valeur, face aux obstructions et destructions des cultures perpétrées par les représentants de cette société COTONA Real Estate. Le conflit dure depuis 2012 et le Tribunal a toujours accordé aux fokonolona l’autorisation de cultiver les terrains. D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, le 07 avril 2021, la Cour d’Appel de Mahajanga a émis l’arrêt N°187 donnant autorisation aux Fokonolona d’Andranomadio, Antsiraka, Tsararivotra, Tsimijaly, Sarodrano, Ampampamena et Ampandroangisa de continuer à “cultiver sur la propriété du “LOT DE COLONISATION PORT-BERGE” jusqu’à l’issue de la procédure domaniale déjà engagée par eux”.  L’OMC du District de Mampikony n’a pas respecté la décision de Justice mais a pris une décision contraire – Les 15 et 28 avril 2021, selon le procès-verbal de l’OMC du District de Mampikony et l’OMC élargi de la Région Sofia, qui se sont concentrés sur le règlement du litige foncier, l’arrêt N°187 de la Cour d’Appel en date du 07 avril 2021, n’est pas un jugement définitif comme le dit le Procureur de la République et il a ajouté que cet arrêt interdit aux “squatters” d’effectuer des cultures sur les terrains de SOCOTA. Selon ce procèsverbal de l’OMC, la décision prise est de cesser l’utilisation de tous les terrains mentionnés dans cet Arrêt. 2 La question qui se pose est alors “est-ce que l’OMC peut refuser et changer le contenu d’un arrêt de la Cour d’Appel ?”. Si on lit l’arrêt N°187 du 07/04/2021, il utilise clairement le terme “Fokonolona”.

Si l’OMC utilise de telles méthodes, comment la paix pourrait-elle être effective, si l’OMC n’interprète pas correctement une décision de justice et ne la respecte pas, Quid de l’Etat de droit ? Il est très probable que c’est en s’appuyant sur cette décision de l’OMC du 15 avril 2021 que les forces de l’ordre (gendarmes) ont amené des tracteurs pour détruire les cultures des 10 Fokontany sus-cités, le 07 décembre 2021. Selon le témoignage des Fokonolona, 07 tracteurs sont venus sur les lieux, avec à bord de chacun trois gendarmes armés, dont deux sur le front et un surveillant les arrières. Ces tracteurs ont été suivis par des groupes d’individus payés par COTONA REAL ESTATE, issus aussi de ces 10 Fokontany, Au cours de la réalisation de la destruction des cultures, la plupart des tracteurs ont été incendiés et ce sont les fokonolona victimes des destructions qui sont allés chercher de l’eau pour éteindre l’incendie.  Les forces de l’ordre défendent-elles réellement les citoyens et leurs biens (Gendarmes)?  – Un mois et demi après la destruction des cultures et l’incendie des tracteurs, le 18 janvier 2022, des éléments armés de la gendarmerie au nombre de 120, sont venus effectuer des fouilles pour arrêter les habitants de ces 10 Fokontany soupçonnés d’avoir mis le feu aux tracteurs.

– Face à tous ces faits, il est évident que la source des problèmes est la méthode de mutation des titres pour la Société COTONA Real Estate. Pourquoi les services fonciers de Mampikony n’osent-ils pas sortir au grand jour les dossiers démontrant la vérité sur le mode d’acquisition de ces terrains par cette société ? Peut-on croire que Monsieur WICKERT Michel était encore vivant en 2007, et a signé une lettre de transaction avec la société COTONA Real Estate? ou alors ce sont ses descendants ? Si une telle transaction a eu lieu, et de manière légale, pourquoi ne la dévoile-t-on pas au grand public pour apaiser les tensions ? Il est intéressant de noter que Wickert Michel est un étranger, un Français, ses descendants sont donc normalement de nationalité française et ne peuvent pas le représenter pour effectuer la mutation.

Alors qui a effectué l’acte n°6096 du 31/07/2007 cité précédemment comme ayant servi pour muter le terrain au nom de COTONA Real Estate?

  • Concernant la méthode de maintien de l’ordre et de la paix sociale dans cette affaire: Est-ce qu’il est légal d’envoyer des éléments de la gendarmerie détruire les cultures? D’où vient la décision judiciaire ordonnant l’envoi de ces tracteurs détruire les cultures le 07/12/2021? S’il y en a eu, quel est son numéro ? Car le N°187 du 07/05/2021 autorise les communautés locales à utiliser les terrains. 3
  • Selon le Code Pénal, la destruction de cultures et la destruction de biens d’autrui sont toutes des infractions mais la destruction de cultures est considérée comme un crime. Nous sommes persuadés que conformément à la logique des décisions judiciaries, aucune décision du Tribunal de Première Instance ne peut modifier la décision de la Cour d’Appel ou un Arrêt sur une affaire déjà jugée. Par conséquent, les agissements des forces de l’ordre vis-à-vis des 10 Fokonolona de Mampikony et Port Bergé sont illégitimes et illégaux. Les poursuites doivent donc cesser immédiatement. 
  • Son Excellence Monsieur le Président de la République a failli à sa promesse aux Fokonolona de Mampikony de leur donner le terrain titré au nom du colon, dit “Lot de colonisation Port Bergé, lot 41” – Selon les représentants des communautés locales, Son Excellence Monsieur Andry Nirina Rajoelina avait promis au cours de sa tournée de propagande pour les élections présidentielles que dès qu’il serait élu, il donnerait seulement un ordre et le “Lot de colonisation Port Bergé, lot 41”sera attribué aux communautés locales. Malheureusement, c’est le contraire qui est en train de se passer. La réalité est faite d’arrestations et de violences. En conséquence, nous, organisations qui signons conjointement cette declaration, – Nous nous tournons particulièrement vers Son Excellence Monsieur le Président de la République de Madagascar pour qu’il prenne ses responsabilités sur cette affaire. D’ailleurs, il avait donné sa parole aux populations de ces Fokontany qu’il leur donnerait ces terrains dès qu’il serait élu,
  • Nous revendiquons l’arrêt immédiat des poursuites contre ces  Fokonolona,
  • Nous exhortons les services fonciers de Mampikony à communiquer au Tribunal, dans l’immédiat, tous les documents relatifs à l’acquisition par COTONA REAL ESTATE des terrains mentionnés, pour permettre la connaissance de la vérité sur ces nouveaux titres et le renforcement des droits de la population sur les terres, 
  • Nous demandons l’application des lois en vigueur et de l’Etat de droit concernant les délits et actes commis par les gendarmes et les forces de l’ordre concernant ce litige foncier.  4  Nous demandons la remise aux communautés locales, qui l’ont cultivé, du riz qui devrait être récolté en mars 2022, évalué par les Fokonolona à environ 5.000 tonnes, comprenant les cultures effectuées après les destructions provoquées par les tracteurs et celles qui n’avaient pas subi de dégâts.

23 février 2022

Signataires :

Association MMST – AVG: Alliance Voahary Gasy  -BIMTT -Collectif pour la défense des terresmalgaches – TANY  -CPM: Coalition paysanne de Madagascar -CRAAD-OI  -FARM Madagascar  -FI.MPA.MI.HI.: Fikambanan’ny mpamboly miray hina ao Mampikony sy Port Bergé -FIFATA: Fikambanana fampivoarana tantsaha  -FIVOI Menabe: Fiharoan’nyVondron’Olona Ifotony eto Menabe  -FTMF  -FVTM: Federasionan’nyVehivavyTantsaha eto Madagasikara  -GTZ: Gny to tsyMbaZainy  -Hetsika Rohy -MSIS-Tatao  -NY TANINTSIKA  -Observatoara momban’ny tanora  -ONG FIANTSO Madagascar -ONG Malagasy Youth Education  -ONG Ravintsara  -ONG TSINJO AINA MAHAJANGA  -OSCAR  -PSBED -RESEAU SOA (Syndicat des Organisations Agricoles)  -SAF-FJKM  -SIF: Sehatra iombonana hoan’ny Fananantany  -TAMAMPIRAPI -TI-MG: Transparency International – Initiative Madagascar  -TNMF: Tambazotra Nasionaly Mpiantsehatra Fifidianana  -TVMA