La contestation du projet minier Base Toliara a de nouveau animé les débats publics pendant la dernière semaine du mois d’août. Le fait majeur a été l’arrestation de Solonarivo TSIAZONALY, un responsable d’organisation de la société civile (1) qui a été contraint à signer un engagement pour sa libération (2). Le Collectif TANY souligne l’atteinte flagrante aux libertés démocratiques et communique de nouvelles données sur la dangerosité de ce projet.
Les motifs de l’arrestation étaient « manifestation sans autorisation et troubles à l’ordre public ». Selon nos informations confirmées par les déclarations du groupe de manifestants, une demande d’autorisation à manifester avait bien été déposée plusieurs jours avant la manifestation. Finalement, le refus du Préfet n’a été reçu que la veille au soir de la marche pacifique au moment où les représentants des communautés étaient déjà arrivés à Toliara.
Pourtant, le 26 juin 2024, les manifestations portant des banderoles réclamant l’ouverture du projet Base Toliara n’avaient pas reçu une interdiction des forces de l’ordre. Pourquoi l’autorisation de ces communautés riveraines du projet Base Tuléar a-t-elle été refusée et pourquoi ce refus n’a-t-il été transmis que seulement la veille ? L’article 6 de la Constitution malgache en vigueur stipule pourtant que « tous les individus sont égaux en droit et jouissent des mêmes libertés fondamentales protégées par la loi, sans discrimination fondée sur le sexe, le degré d’instruction, la fortune, l’origine, la croyance religieuse ou l’opinion. »
La réclamation d’un engagement signé par Solonarivo TSIAZONALY, arrêté, à ne plus entreprendre de grève en échange de sa liberté constitue une violation flagrante des droits humains, alors que cette Constitution souligne « le respect et la protection des libertés et droits fondamentaux » dans son préambule, rappelant les conventions internationales ratifiées par l’Etat malgache, et garantit « les droits individuels et les libertés fondamentales » dans son article 7 (3).
Empêcher les citoyens de manifester de manière pacifique, obliger certains d’entre eux à s’engager par écrit à ne plus s’opposer mais à tout accepter, alors que leurs droits sont ignorés et leur existence mise en péril, intimider, bâillonner et museler les communautés sont des méthodes de maintien de la paix sociale que nous recommandons fortement d’abandonner. Ces méthodes tendent à se généraliser et risquent à terme de provoquer un effet contraire aux attentes des dirigeants si nous examinons de près l’histoire de Madagascar.
Une affirmation et une question de manifestants de Tuléar du 27 août diffusées sur des vidéos après l’arrestation de Solonarivo TSIAZONALY méritent d’être portées à la connaissance de tous : Défendre ses droits n’est pas un délit. Pourquoi arrêter un défenseur des droits humains alors que des voleurs et autres bandits restent en liberté ? C’est en effet dans le but de sauvegarder leur vie, leur santé, leurs sources de revenus et leurs descendances que ces manifestants continuent à lutter, face à la menace d’anéantissement des rares moyens d’existence dont ils disposent, malgré l’indifférence, voire le mépris de certains décideurs.
Ces communautés ont tout à fait raison de s’exprimer et devraient jouir de leur droit de s’opposer au projet minier, car
* la liste des aspects illégaux et illégitimes du projet Base Toliara avait déjà été publiée en 2020 par la Cour des Comptes de Madagascar. Elle n’avait pas demandé l’arrêt du projet car cette institution ne dispose pas de cette prérogative (4).
* les terres indispensables à la subsistance et base de la survie de ces communautés vont leur être enlevées pour les besoins et les profits de la société minière et de ses associés locaux ;
* la dangerosité du projet Base Toliara et les risques pour la santé et la vie des habitants riverains ont encore été confirmés par l’étude de préfaisabilité de l’exploitation de monazite de décembre 2023 publiée par Base Resources. Au cas où les négociations en cours aboutissent à une décision des dirigeants malgaches d’autoriser la reprise des activités de Base Toliara, en y incluant de surcroît la monazite parmi les minerais extraits, « il y aurait des risques de radioactivité pour les travailleurs et la communauté, qu’il faudrait gérer correctement. (…) La monazite du projet de Toliara sera classée dans la catégorie des marchandises dangereuses de classe 7 (..) en raison des niveaux de matières radioactives qu’elle contient et nécessitera une manutention et une distribution spécialisées ».(..) ainsi qu’un navire dédié « (le partage avec d’autres cargaisons à bord d’un navire n’est pas autorisé) » (5).
Enfin, Base Resources évoque des aspects fiscaux parmi les sujets en cours de négociations avec le gouvernement malgache (6). Leur contenu concerne probablement un point mentionné par quelques médias nationaux : la compagnie minière Base Resources alias Energy Fuels demanderait à bénéficier de la loi sur les grands investissements miniers (LGIM) de 2005 (7), dont jouit déjà la société Ambatovy. Pour mieux comprendre les avantages de cette LGIM, il suffit de lire la longue liste des avantages accordés, incluant plusieurs impôts que les compagnies minières ne paieront pas, à la rubrique « Madagascar, l’île aux trésors » du site de l’agence de promotion des investissements EDBM, Economic Develoment Board of Madagascar (8). Les communautés riveraines paieront donc le prix fort et s’appauvriront davantage, l’ensemble de la population malgache gagnera encore moins, pour augmenter les profits des compagnies minières déjà très riches, si les hautes autorités malgaches décident de se mettre à genoux, de privilégier les profits des investisseurs au détriment des droits et intérêts des communautés et d’accepter la reprise des activités du projet Base Toliara ?
Le projet Base Toliara doit être arrêté de manière définitive !
4 septembre 2024
Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY
Références :
(3) Constitution de 2010 : https://www.assemblee-nationale.mg/wp-content/uploads/2020/09/Constitution_VI%C3%A8me-R%C3%A9p_Madagascar.pdf
(4) https://ccomptes.mg/fr/rapports/publics
(5) Toliara Monazite Project Pre-Feasibility Study, 14 December 2023. https://mb.cision.com/Public/22548/3893356/89a168c3d231921e.pdf
(8) https://edbm.mg/informations-economiques_secteurs_mines-madagascar-l-ile-aux-tresors/