Evaluation de la relation entre l’insécurité alimentaire et le foncier dans la région Atsimo Atsinanana (Madagascar) – Newsletter 235

Face à l’aggravation de l’insécurité alimentaire à Madagascar et à la « microparcellisation » des zones de culture des paysans malgaches, des organisations de la société civile ont décidé de mener, de janvier à décembre 2023, une étude préliminaire sur la relation éventuelle entre les deux phénomènes, sachant que la disponibilité de terres cultivables est un élément indispensable  à la production de denrées vivrières.

L’étude intitulée « Evaluation de la relation entre l’insécurité alimentaire et le foncier dans la région Atsimo Atsinanana » a été réalisée par le Collectif TANY, l’ONG CODE Menabe et la Plateforme des organisations de la société civile de la région Atsimo-Atsignana avec le partenariat du Secours Catholique Caritas France et du Comité Technique” Foncier et Développement” – Agence Française du Développement.

Pour lire le résumé de l’étude, continuer ci-dessous
Le rapport complet de l’étude se trouve dans ce lien : Projet-Terres-Malgaches-VF.pdf

L’objectif général est de stopper la hausse de l’insécurité alimentaire à Madagascar dans 5 ans, l’objectif spécifique est de mettre à la disposition des organisations de la société civile, des autorités régionales et nationales, des informations qualitatives et quantitatives sur la sécurité alimentaire, leur permettant d’orienter et de prioriser les décisions en matière de lutte contre l’insécurité alimentaire dans la région Atsimo Atsinanana.

Le rapport débute par un état des lieux général sur la question foncière à Madagascar puis un chapitre est consacré aux particularités du foncier dans la région Atsimo Atsinanana. Cette région, victime de fréquents cyclones depuis toujours, est impactée par les changements climatiques avec des cyclones plus violents et des mois de sécheresse plus longs.

L’insécurité alimentaire dans la région Atsimo Atsinanana est ensuite développée sur la base de la revue bibliographique effectuée et des déclarations de personnes ressources.

L’étude intitulée « Evaluation de la relation entre l’insécurité alimentaire et le foncier dans la région Atsimo Atsinanana » a permis de collecter des données provenant d’un échantillon de 3.562 ménages, dirigés par des hommes ou des femmes, choisis de manière aléatoire dans 50 fokontany issus de 10 communes des districts de Farafangana et Vangaindrano.

La période de soudure dans la région Atsimo Atsinanana s’étale sur 6 mois et demi au lieu de 5 mois comme la moyenne dans l’ensemble de Madagascar. Le déploiement du questionnaire a eu lieu pendant la période de soudure en raison des impératifs de planning.

La méthodologie adoptée a consisté en une enquête ménages précédée d’une prise de connaissance des spécificités de la région grâce à un séminaire avec des personnes ressources ainsi qu’à des focus groupe qui ont servi à l’élaboration du questionnaire. Cet outil a été conçu autour de 4 thématiques : les caractéristiques démographiques et économiques, le foncier, l’agriculture et l’alimentation. Des ateliers de restitution et de validation ont été organisés à plusieurs niveaux : locaux, communaux et régionaux. Des  pistes d’action ont ensuite été présentées et discutées à l’atelier national à Antananarivo, avec pour objectif d’alerter tous les acteurs sur le problème de l’insuffisance de surface de terrains disponibles pour les paysans producteurs.

Les données recueillies mettent en évidence que l’insécurité alimentaire est largement répandue dans les 10 communes, et se manifeste, pour la moitié des ménages enquêtés, par la survenue d’absence de nourriture 3 à 10 fois dans les 30 derniers jours. Parmi les différentes stratégies mises en œuvre face à l’insécurité alimentaire, la consommation de plantes habituellement non comestibles est majoritairement adoptée, ce qui montre la grande détresse de la population.

Concernant le foncier et l’agriculture, 54% des ménages du district de Farafangna ne possèdent pas de terres contre 35% dans le district de Vangaindrano ; sur l’ensemble des deux districts 99% des ménages qui possèdent des parcelles cultivent. Les ménages qui ne cultivent pas déclarent souhaiter le faire, mais ne peuvent acheter de terrains, faute de moyens. Les femmes et les jeunes, surtout, ont exprimé ce souhait. Par ailleurs, 98% des ménages qui cultivent souhaitent augmenter la surface de leur exploitation. 

55% des ménages de l’échantillon sont dirigés par une femme. La proportion de femmes chefs de ménage est faible dans la sous population des ménages qui possèdent des terres, plus forte dans la sous-population qui ne possède pas de terre. Le non-respect des droits des femmes, qui n’ont pas le droit d’hériter des terres familiales selon les pratiques répandues dans toutes les communes, les rendent très vulnérables, alors que la législation nationale stipule la non-discrimination du genre. 

Avec des disparités constatées par commune, la surface moyenne des exploitations des ménages est de 21 ares. Cette superficie vraiment réduite soulève diverses questions, en particulier ses effets sur l’insécurité alimentaire. En effet, le nombre moyen de personnes par ménage est de 6, le médian de 10 et jusqu’à 20 dans certains cas.

Outre la surface réduite des exploitations,  l’insuffisance d’intrants, de formation aux techniques agricoles et de matériel a été mentionnée par l’ensemble des ménages comme obstacle à l’augmentation du rendement agricole, mais la mauvaise qualité des sols, les intempéries et la maîtrise de l’eau ont aussi été évoquées.

Selon l’indice de mesure de gravité de l’insécurité alimentaire créé pour l’étude, la possession d’une parcelle améliore la situation des ménages, même si l’effet n’est pas phénoménal, probablement à cause de la taille trop réduite des parcelles. En revanche, le fait de cultiver, même de petites parcelles, permet de ne pas tomber dans une situation catastrophique. L’étude n’a cependant pas permis de différencier les effets des différents types de faire-valoir indirect  (fermage et métayage)

L’élevage, notamment bovin, assez rarement pratiqué dans les communes, s’est avéré un facteur limitant l’insécurité alimentaire, car les zébus participent aux travaux des champs et c’est la viande souvent consommée lors d’événements. En revanche, les activités rémunératrices autres que l’agriculture et l’élevage, se sont avérées non déterminantes sur le niveau d’insécurité alimentaire.

A situation égale par rapport à la situation foncière, les ménages dirigés par des femmes ont un indice légèrement meilleur que ceux dirigés par des hommes. Mais les femmes restent plus vulnérables. En effet, plus de la moitié des ménages est dirigée par des femmes alors que très peu d’entre elles possèdent des terres.

Les pistes d’actions proposées pour la poursuite du travail portent sur un Plaidoyer pour l’accès à la terre et renforcement de la sécurité foncière et alimentaire à Madagascar dont les principaux volets seront :

  • l’attribution collective ou individuelle de terrains agricoles aux groupes vulnérables, notamment les femmes et les jeunes
  • le développement de la production agricole
  •  et l’augmentation des activités génératrices de revenus.

La réalisation de ce plaidoyer commencera dans la région Atsimo Atsinanana, mais l’objectif à moyen et long terme est de capitaliser sur les résultats de cette étude préliminaire afin d’en étendre le périmètre à d’autres régions de Madagascar.