UN CLIN D’OEIL SUR LA SITUATION DES HABITANTS DE LA RÉGION D’IHOROMBEDONT LES TERRES ONT ÉTÉ LOUÉES PAR L‘ETAT À LA SOCIÉTÉ TOZZI GREEN – Newsletter n°267

Des responsables de l’Etat malgache ont loué des terres dans trois communes de la région Ihorombe à l’entreprise Tozzi Green pour 30 ans. De nombreuses études ont montré les pressions et les manipulations exercées par les autorités, à tous les niveaux, pour contraindre les communautés locales à accepter l’exploitation des terres par l’entreprise. Certains habitants ont refusé jusqu’au bout. D’autres, parmi ceux qui ont accepté, disent qu’ils regrettent aujourd’hui de l’avoir fait.

Les communautés locales ont rapporté deux informations importantes que nous partageons.

L’ ENTREPRISE ET LES AUTORITÉS EXERCENT DES PRESSIONS LORSQUE LES HABITANTS REFUSENT DE PRENDRE EN CHARGE  LA SECURITE DES PLANTATIONS D’ARBRES DE L’ENTREPRISE

L’entreprise avait réuni, au mois de juin 2025, une partie des villageois de Satrokala, ceux qui avaient accepté de lui céder des terres depuis son arrivée, des visiteurs européens étaient présents. Au début de la discussion, le représentant de l’entreprise a expliqué que l’objectif de la réunion était de confier aux villageois la responsabilité de la protection des plantations d’arbres contre les incendies et pour assurer la sécurité dans les zones où des arbres avaient été plantés. Les étrangers présents étaient venus pour vérifier que les habitants s’engageraient à le faire. Ces derniers n’ont pas accepté la proposition. Ils ont expliqué qu’ils avaient répondu à l’invitation cat ils espéraient recevoir l’indemnisation promise pour la prise de leurs terres par l’entreprise. Les visiteurs ont indiqué qu’ils reviendraient ultérieurement pour assurer le suivi et connaître la solution convenue entre les habitants et l’entreprise.

En août, l’entreprise a de nouveau réuni la communauté de Satrokala pour lui confier la surveillance des plantations d’arbres. Ce ne sont pas les représentants de l’entreprise qui sont venus leur parler, mais le Maire, le Procureur et le Commandant du groupe de gendarmerie. Les habitants sont restés silencieux, par crainte de ces différentes autorités.

La même chose s’est produite dans la commune d’Andiolava : le maire et le commandant de la brigade de gendarmerie d’Andiolava ont convoqué et mené la réunion. Le motif de la réunion et le silence des habitants ont été identiques.

Les habitants ont rapporté aux organisations de la société civile, qu’ils avaient exprimé depuis longtemps auprès de l’entreprise leur inquiétude sur une aggravation de l’insécurité lorsque les arbres auront poussé et seront plus épais. L’entreprise aurait répondu à ces préoccupations en promettant des drones et des systèmes de surveillance. Mais jusqu’à présent, comme d’habitude, ces promesses n’ont pas été tenues, et ce sont les habitants qui sont sollicités pour assurer la surveillance lorsque l’insécurité règne réellement dans les vastes zones boisées.

LE SILENCE DE LA POPULATION NE DOIT PAS ÊTRE INTERPRÉTÉ COMME UNE ACCEPTATION

Il serait intéressant de savoir comment les visiteurs étrangers ont interprété le silence de la population. Dans les autres pays, il n’est pas d’usage de faire intervenir des autorités administratives et des gendarmes lorsqu’une entreprise réunit la population, car c’est un signe de pression et d’intimidation. Les étrangers qui ont assisté à l’événement ont probablement été surpris, on se demande quelle explication leur a été donnée. Les habitants nous ont transmis qu’ils ont ressenti de la pression et de l’intimidation face aux gendarmes et aux autorités.

Aussi, l’un des objectifs de la diffusion de ces faits est d’informer les non-Malgaches que le dicton français selon lequel « qui ne dit mot consent » n’est pas valable pour les Malgaches. Premièrement, la communauté avait déjà refusé pendant la première réunion, mais on les a fait revenir comme si on ne les lâcherait que lorsqu’ils auront accepté. Deuxièmement, nous avons tous constaté dans l’histoire de Madagascar, et le mouvement organisé par les jeunes à Antananarivo depuis le 25 septembre qui s’est étendu à différentes villes, le prouve encore, que lorsque le peuple malgache semble tolérant et résigné face aux souffrances, cela ne signifie pas qu’il est d’accord, car il finit par faire éclater sa colère au bout d’un moment. Troisièmement, le Maire a amené des personnages haut placés de la gendarmerie et de la justice pour que les habitants n’osent pas refuser. Mais ces derniers, déterminés à ne pas accepter, sont restés silencieux. N’existe-t-il pas une loi à Madagascar interdisant aux autorités administratives de favoriser les entreprises au détriment de la  population ?

Il se pourrait que ces rencontres en présence de visiteurs fassent partie du processus d’évaluation des plantations d’arbres de l’entreprise Tozzi Green dans la région d’Ihorombe, en vue de l’octroi d’une certification relative au « crédit carbone ».

A l’échelle mondiale, cette affaire de « crédit carbone » est un moyen pour certaines entreprises, d’accroître leurs profits, sous prétexte que planter des arbres atténuerait le changement climatique. En parallèle, elles continuent d’exploiter et de poursuivre leurs activités qui polluent l’environnement, provoquent des émissions de gaz à effet de serre considérables, et augmentent la température, la sécheresse et les catastrophes naturelles à travers le monde. De nombreux analystes ont écrit en 2024 que ce marché du carbone comporte beaucoup de tromperies. Nous y reviendrons plus tard. Mais à Madagascar, jusqu’à présent, le résultat visible a été l’augmentation des accaparements de terre de la population sur des dizaines de milliers d’hectares dans différentes régions. Aucune diminution de la sécheresse n’a été constatée jusqu’à présent, a déclaré un habitant.

L’ENTREPRISE TOZZI GREEN DE SATROKALA IHOROMBE A UN NOUVEAU DIRECTEUR LOCAL.

Les 23 et 30 septembre, l’entreprise a transmis une convocation écrite à une réunion aux habitants de Satrokala. La réunion n’ayant pas pu se tenir le 23 septembre, elle a eu lieu le 30 septembre. Depuis plusieurs mois, l’Italien, directeur local de l’entreprise, et son équipe, avaient quitté Satrokala et a été remplacé par un directeur aux traits asiatiques, dont la véritable origine était inconnue. C’est seulement au cours de cette réunion que les habitants ont été informés que le nouveau directeur était pakistanais.

Outre la présentation du nouveau directeur local de la société, il a été annoncé que l’entreprise mènerait une enquête sur les aspects sociaux, économiques et culturels de la population, et que ce sont des Malgaches qui mèneraient les enquêtes dans les villages. La vue de la mobilisation citoyenne plutôt dynamique à Antananarivo et dans des villes d’autres régions a-t-elle suscité la crainte d’une montée de l’opposition locale et a motivé cette idée nouvelle et surprenante, alors que l’entreprise Tozzi Green n’a jamais pris le temps de connaître de près les conditions de vie des habitants dont elle avait accaparé et exploité les terres pendant treize ans maintenant? Ou alors l’entreprise se précipite-t-elle pour trouver un autre son de cloche à faire entendre parce que des chercheurs d’une université européenne venus enquêter, en mars 2025, sur l’impact des activités de l’entreprise Tozzi Green sur la vie des habitants, s’apprêtent à publier les résultats de leur étude, après la publication de plusieurs articles par des journalistes italiennes venues observer les réalités locales en 2024 ?

Des organisations malgaches et européennes ont déjà déposé une plainte en Europe, en octobre 2023, contre l’entreprise Tozzi Green pour violation des droits humains et non-respect des principes directeurs de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) applicables aux multinationales, dans le cadre de  la plantation de maïs sur de vastes superficies. En mai 2024, une lettre ouverte a été envoyée au gouvernement italien et aux banques européennes qui soutenaient l’entreprise Tozzi Green financièrement, concernant l’absence de consultation des associations de la commune d’Ambatolahy sur le projet de plantation d’arbres.

D’autres articles suivront concernant la situation et les événements survenus dans des endroits où les dirigeants de l’Etat ont loué des terres des communautés, à des personnes ou à des entreprises, nationales ou étrangères, au cours de cette période où on dit que le pays se trouve à un tournant.

11 octobre 2025
Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY patrmoine.malagasy@gmail.com, https://terresmalgaches.info, facebook : TANYterresmalgaches